Le décret d’application n’ayant pas été signé, la majoration de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires n’est plus à l’ordre du jour du débat d’orientation budgétaire de la commune cette année.
À : Guillaume Desrues
Maire de Bourg Saint Maurice-Les Arcs
De : Cédric Lespiau
Président de l’association 3A
Avenir et Animation des Arcs
Objet : Surtaxe sur les résidences secondaires aux Arcs
Monsieur le maire,
Lors de la dernière réunion du comité directeur d’AB Tourisme, vous nous avez fait connaître l’intention de la municipalité d’utiliser pleinement la possibilité de majoration de la taxe d’habitation (TH) sur les résidences secondaires qui sera très probablement instituée par la prochaine loi de finances pour 2023.
Un article de cette loi (amendement Roseren) étendra en effet à toutes les communes classées station de tourisme les dispositions déjà existantes pour les communes situées en « zone tendue ». Il autorisera une majoration allant de 5 à 60%.
Cette mesure s’ajoutera à la suppression générale de la taxe d’habitation sauf pour les résidences secondaires, ainsi qu’à la libération des taux de la TH qui avaient été bloqués quelques années jusqu’en 2023.
Je tiens, en préambule, à souligner au nom de 3A, et des propriétaires que 3A représente, que nous accepterons toujours sans hésiter de contribuer, comme tous les autres contribuables, aux augmentations d’impôts que votre conseil municipal jugera nécessaires pour le bon fonctionnement des services, la modernisation des équipements, la mise en œuvre de la transition environnementale et énergétique, ainsi que l’amélioration continue de la qualité de l’accueil de tous les clients des Arcs.
Bien qu’imparfaitement renseignés sur l’état des finances communales, nous sommes conscients des difficultés budgétaires actuelles résultant de charges au départ imprévisibles tels la rénovation du funiculaire (15 millions), les dépenses et les manques à gagner liés à la crise du Covid (5 millions ?), et maintenant l’inflation et la hausse vertigineuse des prix de l’énergie.
Ceci étant précisé, nous ne pourrions pas accepter sans grande déception et sans vives réactions une mesure discriminatoire que nous trouvons tout à la fois inamicale, injuste, inappropriée et inefficace.
- Elle serait ressentie comme profondément inamicale à l’égard de l’ensemble des propriétaires de résidence secondaire aux Arcs qui, mis à part les purs investisseurs financiers, sont profondément attachés à leur station et ont été reconnus officiellement comme ses ambassadeurs naturels :
(Les ¾ d’entre eux interrogés en 2018 dans le cadre de l’enquête organisée par la FARSM avait indiqué leur intention que leur logement reste dans leur famille).
S’ajoutant à une première discrimination entre résidents permanents et résidents intermittents décidée au plan national sur le sujet toujours sensible de l’impôt, ce traitement discriminatoire décidé localement ne manquerait pas de provoquer un très vif et bien compréhensible mécontentement.
Il nourrirait inutilement les clivages et les oppositions stériles entre résidents permanents et résidents intermittents que les municipalités successives avaient, au cours des années, réussi à aplanir.
- Elle serait injuste, car les propriétaires de résidence secondaire sont les seuls visés, alors qu’ils sont des contributeurs majeurs du budget communal tout en ne bénéficiant pas de tous les services de la commune (scolaires, sociaux, sportifs) et tout en conservant dans les stations des Arcs la charge d’entretien, de déneigement et d’aménagement de voiries, cheminements et autres espaces ouverts à la circulation publique non rétrocédés à la commune.
- En ce qui concerne le budget communal, nous avons été d’autant plus choqués par l’argument nouveau selon lequel des dépenses consenties pour eux justifieraient une augmentation spécifique de leurs impôts.
Nous sommes très reconnaissants à la municipalité qui maintient des dépenses importantes, indispensables pour attirer et accueillir dans de très bonnes conditions les vacanciers venant aux Arcs (navettes gratuites, déficit de fonctionnement du stationnement payant, déficit des prestations payantes de HERO les Arcs, subventions à l’animation et aux événements sportifs ou culturels). Mais nous ne voyons aucune justification logique à imposer à cet effet, en plus du paiement des impôts locaux —comme tous les propriétaires—, et du paiement de prestations et de services payants —comme tous les vacanciers—, une taxation spécifique en tant que propriétaires de résidences secondaires.
- En ce qui concerne l’économie locale, ceux-ci contribuent à sa prospérité par leurs dépenses d’investissements et par leurs dépenses pour leurs vacances dans la station (y compris les dépenses de leurs familles, celles de leurs amis et de leurs locataires). Ils font travailler les artisans et les entrepreneurs pour l’entretien de leur logement. Ils maintiennent ainsi des emplois. Selon l’enquête précédemment citée, les propriétaires dépensent en moyenne 14 000 € aux Arcs, dont 9 000 jamais comptabilisés dans les enquêtes habituelles sur les dépenses des clients des Arcs pour leurs dépenses de logement, à quoi s’ajoutent les dépenses de leurs parents, de leurs amis et de leurs locataires.
Faut-il aussi souligner que depuis la création des Arcs, les propriétaires de résidence secondaire aux Arcs en ont été les principaux investisseurs. Ils ont fortement contribué par leurs mises de fond à l’émergence de la stations et l’élévation du niveau de vie des habitants.
- Elle serait inefficace au regard des objectifs avancés par les défenseurs de l’amendement Roseren :
- qu’il s’agisse de lutter contre la hausse des prix immobiliers et l’éviction du marché immobilier frappant les habitants à revenus limités et notamment les jeunes ménages,
La surtaxation des logements de vacances dans la station des Arcs sera sans effet sur le prix des logements permanents dans la vallée.
D’autres mesures, bien différentes, seraient à mettre en œuvre pour permettre à des familles locales d’accéder à la propriété ou à la location d’un logement à des prix compatibles avec leurs revenus, comme existent des exemples ailleurs.
- qu’il s’agisse aussi de réduire l’importance des lits froids, phénomène au demeurant mal mesuré et largement surestimé comme le montre la même étude FARSM,
Il est en effet plus que douteux que l’augmentation d’un impôt local conduise un propriétaire à mettre plus en location le logement qu’il souhaite réserver à sa famille, ses amis et ses locataires choisis.
- Elle serait inappropriée au regard des difficultés budgétaires nouvelles ci-dessus rappelées :
En 2021, la taxe d’habitation (essentiellement payée pour les résidences secondaires) a rapporté environ 4 millions au budget communal contre 7,7 millions à la taxe foncière et 4,7 millions la contribution foncière des entreprises.
Au regard des sommes nécessaires pour faire face aux surcroîts de dépenses qui ne pouvaient être prévues au départ lorsque la municipalité pouvait penser équilibrer ses charges sans recours à l’emprunt et sans majoration d’impôts locaux, ne faut-il pas envisager un effort supplémentaire en majorant raisonnablement les taux de l’ensemble des impôts locaux, taxe d’habitation comprise, mais aussi la taxe foncière sur les propriétés bâties, qui est payée par tous les propriétaires et rapporte bien plus que la TH ? N’est-ce pas la voie efficiente montrée par certaines municipalités, des plus petites aux plus grandes ?
Enfin, nous avons été frappés d’apprendre que des maires des départements voisins aussi distingués que M. Nicolas Rubin le maire de Chatel, vice-président écouté du conseil général de Haute-Savoie et président de l’association des maires de son département, ou le maire de l’Alpe d’Huez ou ceux de Saint-Gervais, les Gets ou le grand Bornand ont déjà fait connaître qu’ils ne mettraient pas en œuvre la majoration du taux de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires. Le maire de Chamonix ou celui de Val d’Isère ont, il est vrai, pris une position différente, sans doute parce qu’ils font face à un marché immobilier d’une autre nature, avec des prix des logements trois fois supérieurs à ceux pratiqués à Bourg-Saint-Maurice et aux Arcs.
En conclusion, nous formulons, Monsieur le Maire, le souhait que puisse s’engager un dialogue constructif en vue de vous permettre, ainsi qu’à votre conseil municipal, de prendre les décisions nécessaires d’ajustement des impôts locaux sans pour autant afficher de mesure désagréablement discriminatoire à l’égard des résidents intermittents des Arcs et Bourg-Saint-Maurice.
Je vous prie d’accepter, Monsieur le maire, l’assurance de ma très fidèle considération.
Cédric Lespiau
Président de 3A
Lettre très pertinente. Les arguments développés sont clairs et j’espère qu’ils seront entendus par les décideurs politiques. Merci à 3A et à son président de défendre nos intérêts.
Vincent
Ce courrier me semble effectivement très pertinent au vu de la situation et de la tentation que pourrait avoir certaines communes suite à cette amendement.
D’autant qu’actuellement en parallèle certaines associations en Tarentaise poussent pour une évolution du statut des résidences en station de ski et visent une modification de la loi montagne pour obliger les propriétaires de résidences secondaires à louer leurs appartements.
Comme indiqué dans le courrier, évitons d’opposer résidents à l’année et résidents intermittents car chacun apporte à sa façon de la richesse à cette vallée qui malheureusement actuellement ne vit exclusivement que du tourisme.
Oui, Florence, les divergences d’intérêt entre “locaux” et “locaux secondaires” sont, au départ, une constatation objective, pour des raisons évidentes. Certains d’entre nous sommes persuadés que c’est en les rendant le plus compatibles et partagés possible que la station à laquelle nous sommes attachés trouvera un avenir au-delà de l'”usine à ski” que l’on sait condamnée sous sa forme actuelle à plus ou moins long terme. Toute initiative propice à aggraver ces divergences d’intérêt est un non-sens dans cette perspective.
Charlotte, dans son appel https://www.trois-a.org/index.php/2022/06/11/3a-donne-la-parole-a-charlotte/ à réfléchir dès maintenant aux moyens d’écarter définitivement de l’avenir de la station les scénarios catastrophe de ce style : https://www.skieur.com/actu-les-sports-hier-vraiment-dystopie-une-montagne-sans-telesieges a proposé un terme similaire au vôtre mais qui va encore un peu plus loin : “résident intermittent” devient “habitant intermittent”. À méditer et argumenter.
Christian.
Bravo